Origine et histoire de la Maison de Pierre Delfau
La Maison dite de Pierre Delfau est un hôtel particulier situé au n°20 rue de la Bourse, dans le centre historique de Toulouse. Construit entre 1493 et 1497 pour le marchand pastelier Pierre Delfau, il illustre les demeures gothiques des notables toulousains de la fin du XVe siècle. Remanié au XVIIe siècle, l'édifice a néanmoins conservé dans la cour des éléments de la Renaissance tardive toulousaine et la boutique d'origine. Inscrit aux monuments historiques en 1925, il a fait l'objet d'une importante restauration de la façade sur rue en 2001.
En 1493 Pierre Delfau acheta des terrains ruinés par l'incendie de 1463 aux héritiers de Pons de Laspargna et fit bâtir sa maison où il tenait boutique; il mourut en 1507 sans avoir obtenu le capitoulat. L'hôtel passa à ses héritiers, puis en 1525 à son fils Jean Delfau qui en fut propriétaire jusqu'en 1536. Il changea ensuite de mains à plusieurs reprises: en 1536 aux héritiers de Guillaume Tamisier, en 1542 au marchand Frisco-Baldi, en 1549 au banquier Jean Fulhaco, en 1571 au marchand Antoine Cros, puis à François de Papus en 1618. François de Papus vendit l'hôtel en 1623 au docteur régent Jean de Cayras; la maison resta dans la famille de Cayras pendant un siècle, passant en 1679 à Jean-Louis de Cayras. Les héritiers vendirent l'édifice en 1702 à Louis de Virazel, dont la veuve Françoise Ducros le céda en 1715 au marchand Jean-Louis Darole de Soulery. Au XIXe siècle la façade fut menacée par des travaux d'élargissement et d'alignement de la rue de la Bourse, mais elle fut finalement épargnée; l'orientaliste Édouard Dulaurier y aurait habité. Depuis 1999 la boutique "La fleurée de pastel" y est installée.
L'hôtel s'élève sur trois étages carrés plus comble à surcroît; la façade sur rue, largement remaniée au XVIIe siècle, conserve néanmoins des éléments gothiques. La porte est surmontée d'une accolade terminée par une corbeille de feuilles de chardons où s'enlace en lettres gothiques le monogramme IHS. Sur les voussures un petit écusson porte une marque de marchand en forme de cœur surmonté d'une croix double, symbole de maîtrise, et les appuis de deux fenêtres ainsi que le ressaut de trois briques marquant un ancien couronnement crénelé subsistent. Les modifications du XVIIe siècle comprennent le percement d'une arcade de boutique et d'une grande baie en plein cintre au rez-de-chaussée, ainsi que l'ouverture de larges fenêtres rectangulaires couronnées d'une corniche aux étages.
À l'intérieur, la boutique a conservé ses voûtes gothiques: du côté de la rue deux voûtes à quatre arêtes avec culots représentant des têtes d'anges sont séparées par un arc doubleau dont une console porte un ange tenant un phylactère; du côté de la cour, deux voûtes semblables sont séparées des premières par un mur de refend. La porte de la rue ouvre sur un couloir voûté en ogive qui conduit à la cour intérieure, aménagée à la fin du XVe siècle par Pierre Delfau comme une véritable cour d'honneur. La façade ouest a conservé aux deux premiers étages des fenêtres à croisillons du XVe siècle, aux montants accolés et aux filetages entrecroisés sur cadres et meneaux, tandis que les autres élévations ont été fortement remaniées au XVIIe siècle. Sur la façade ouest, les petites fenêtres du troisième étage ont été surélevées et dépassent le ressaut de trois briques qui portait autrefois un couronnement crénelé supprimé pour édifier un quatrième étage. La façade nord, probablement datée du XVIIe siècle, présente trois étages de galeries superposées rythmées par des pilastres de style dorique et ionique, aujourd'hui aveuglées par des galandages.
Dans l'angle nord‑ouest de la cour se dresse une haute tour heptagonale abritant une vis de pierre desservant le corps de logis et l'arrière‑corps par les galeries du côté nord; la tour, haute de 22 mètres (24 avec la tourelle), est percée de cinq fenêtres à croisillons munies de larmiers à talons, dont deux sont sommées de fleurons. La porte de la tour, aux sculptures partiellement détruites, est surmontée d'une niche vide; sous son socle se détache un petit écusson soutenu par deux anges et, au milieu de l'accolade, est accroché une marque de marchand. À l'intérieur, une niche à luminaire a été pratiquée au‑dessus de la sixième marche, des sièges de repos ont été aménagés dans les angles des fenêtres à chaque étage, et l'axe de la vis, qui compte 84 marches, est surmonté d'un pilier d'où naissent sept arêtes soutenant la voûte terminale. Au dernier palier, une porte à accolade s'ouvre sur la vis de la tourelle qui donne accès à la terrasse.